LE CAP, Afrique du Sud, 7 mai (Tierramérica) - ''Lorsque nous nuisons à la nature, nous nuisons à nous-mêmes'', déclare Aaron Bernstein, un médecin à 'Harvard Medical School' et l'un des auteurs du livre qui vient de paraître ''Maintenir la vie : comment la santé de l'homme dépend de la biodiversité''.
''Peu de personnes comprennent que notre santé est directement liée à la santé du monde naturel'', a indiqué Bernstein à Tierramérica.
Bernstein et un collègue de Harvard, Eric Chivian, ont écrit et publié des articles de plus de 100 principaux scientifiques dans leur nouveau livre, lancé le 28 avril par 'Oxford University Press' et disponible en mai.
Ecrit pour un grand public, ''Maintenir la vie'' se fonde sur les preuves scientifiques les plus récentes pour présenter des arguments convaincants selon lesquels l'actuelle crise d'extinction, avec des espèces qui disparaissent chaque jour, constitue une grave menace pour l'humanité, équivalente, sinon plus grande, que le changement climatique.
Des produits pharmaceutiques, la recherche biomédicale, l'émergence et la propagation de maladies infectieuses, et la production alimentaire, à la fois sur terre et dans les océans, dépendent de la biodiversité -- la riche variété de vies sur notre planète.
Le livre présente sept groupes d'espèces en voie de disparition, y compris des requins, des ours, des primates et des amphibies qui sont ou ont le potentiel de posséder ''une grande valeur pour la médecine et la science''.
Au nombre de ces espèces, figurent des escargots coniques, une espèce tropicale dont le venin contient des dizaines de milliers de produits chimiques appelés peptides, de petites chaînes d'acides aminés. Ces peptides seuls sont des sondes moléculaires extrêmement puissantes et utilisées dans la recherche médicale.
''Nous avons beaucoup appris sur la manière dont notre cerveau fonctionne en utilisant des peptides d'escargots coniques'', a dit Bernstein.
La première découverte capitale nouvelle dans la médication des douleurs pendant des années vient également des escargots coniques.
Trente-trois pour cent des malades du cancer et du VIH (virus de l'immunodéficience humaine) en phase terminale, pour lesquels les plus puissants opiats étaient inefficaces, ne ressentent plus maintenant de douleurs grâce un peptide qui bloque les douleurs, lequel provient du venin des escargots coniques.
Plusieurs autres peptides d'escargots coniques interviennent dans des examens cliniques pour traiter des douleurs diabétiques, parmi d’autres aliments, et donnent de grandes espérances, déclare Bernstein.
Les escargots coniques vivent seulement dans des récifs coralliens et au moins entre un tiers et la moitié de tous les récifs risquent de mourir à cause d'une combinaison de maladie, de pollution et de changement climatique.
Des crabes fer à cheval ont déjà fourni la base pour détecter la contamination dans des médicaments injectables. Ils sont également importants dans la compréhension de la vision humaine, dit-il. Mais avec seulement un habitat restreint et la nécessité de pondre leurs œufs sur des plages, ils sont exposés à la pollution et aux perturbations humaines.
Les amphibies constituent la source de nouveaux traitements de l'hypertension et probablement de nouveaux antalgiques, et peuvent empêcher des bactéries d'acquérir la résistance aux antibiotiques -- une sérieuse inquiétude à travers le monde.
Toutefois, des amphibies sont les plus menacés de tous les groupes d'organismes sur la planète, avec presque un tiers de quelque 6.000 espèces connues en voie de disparition, et plus de 120 qui auraient déjà disparu au cours de ces quelques dernières années.
Les médicaments ne constituent qu'une petite partie du rôle que la biodiversité joue dans le bien-être de l'homme. Sans des insectes bénéfiques, ''la plupart des écosystèmes terrestres du monde s'effondreraient et une bonne partie de l'humanité périrait avec eux'', écrit dans la préface du livre Edward O. Wilson, le célèbre expert mondial de Harvard en biodiversité.
Wilson indique également qu'on peut trouver quatre millions d'espèces bactériennes dans une tonne de sol fertile et que la plupart des cellules de nos corps ''ne sont pas humaines mais bactériennes : 700 espèces vivent dans nos bouches seules''.
Des scientifiques estiment qu'il existe entre trois et 30 millions d'espèces de plantes, d'animaux, de champignons, de bactéries et ainsi de suite, mais seules 1,4 million ont été identifiées jusqu'ici.
Jusqu'à 30 pour cent de toutes les espèces vivant sur la terre pourraient disparaître d'ici à 2050 à cause des activités humaines non viables -- principalement la déforestation, la perte de l'habitat et le changement climatique -- selon l'Evaluation des écosystèmes pour le millénaire de 2006, un effort de recherche international de quatre ans sans précédent.
''Cela pourrait autant être l'extinction de la moitié de toutes les espèces d'ici à 2050'', affirme Stuart Pimm, un écologiste de la conservation à l'Université de Duke, en Caroline du nord, et un collaborateur à la rédaction du livre.
Tandis que les humains pourraient s'adapter au changement climatique, le monde naturel ne peut pas s'adapter au changement rapide. Et il est peu probable que nous puissions remplacer les services que la nature nous rend.
''La majorité des gens ne sont pas conscients de ce danger'', a déclaré Pimm à Tierramérica. Toutefois, les solutions du changement climatique devraient préserver et augmenter la biodiversité, et non lui faire du mal.
A l'instar de plusieurs régions du monde, notamment l'Amérique latine, on a débarrassé de grandes régions de la côte-est d'Afrique du Sud de leur végétation indigène pour planter des arbres d'eucalyptus qui ne sont pas indigènes. Bien que ces arbres absorberont du carbone de l'atmosphère, aidant à combattre le changement climatique, la perte de l'écosystème indigène est d'une conséquence bien plus grande.
''Nous devons planter des dizaines de millions d'arbres, mais ils devraient être des espèces indigènes pour qu'ils augmentent la biodiversité'', a-t-il souligné.
Défricher la forêt pour le biocarburant est une autre mauvaise solution au changement climatique. Des pays doivent être payés pour arrêter la déforestation, a indiqué Pimm.
''Conscients de la crise, des gens veulent prendre des mesures, mais ne savent pas quoi faire'', a-t-il ajouté.
Le livre contient un chapitre sur des mesures possibles, notamment une liste des ''10 premières''. Les trois premières : utiliser le transport public ou la moto ou marcher pour aller au travail une fois par semaine; acheter des aliments organiques locaux ou cultiver les vôtres; manger des fruits de mer durables, ce qui signifie pas de crevette, ou de saumon d'élevage.
La plupart de ces recommandations sont destinées à réduire les émissions de carbone, mais utiliser simplement des espèces indigènes dans des jardins et réduire l'utilisation de l'eau constituent d'importantes mesures de préservation de la biodiversité, affirme Bernstein.
''Nous avons également besoin de politiques gouvernementales qui encouragent la protection des systèmes naturels à l'aide de mesures incitatives; beaucoup font le contraire actuellement'', a-t-il dit.
Enfin, nous avons besoin d'une nouvelle culture qui valorise, aime et protège la biodiversité, a déclaré l'auteur. Une telle culture existe lorsqu'il s'agit de notre santé –- maintenant, nous devons comprendre qu'elle est directement liée à la santé du monde naturel.
(* Publié au départ par des journaux d'Amérique latine qui font partie du réseau Tierramérica. Tierramérica est une agence de presse spécialisée créée par IPS avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement et le Programme des Nations Unies pour l'environnement). (FIN/2008)
http://ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=4062
lundi 12 mai 2008
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